vendredi 8 mars 2013

Un peu de lecture


Cégep de Jonquière - Un enseignant d’ici forme les futurs mineurs de Nouvelle-Calédonie

UN OSBL collégial oeuvre en formation à l’échelle international

2 mars 2013 | Marie-Hélène Alarie | Éducation, Le Devoir

C’est un projet tout à fait spécial que l’on n’a pas l’habitude de rencontrer. Cette fois, ce ne sont pas les étudiants étrangers qui viennent au Québec, mais c’est le professeur québécois qui part enseigner à l’étranger ! Récit d’une aventure en terre de Nouvelle-Calédonie.

Au cégep de Jonquière, 70 % des étudiants sont inscrits dans des programmes techniques. Si on connaît bien le programme exclusif au cégep de Jonquière de techniques de communication - plusieurs de nos collègues en sont issus -, on entend moins parler de la dizaine de programmes qui appartiennent à la catégorie des technologies du génie industriel, chimique, mécanique, électrique… « Ce qui fait qu’on peut être interpellé lorsque se présentent de grands projets de construction dans le secteur minier. On travaille souvent avec les entreprises ici en région, mais comme celles-ci sont des entreprises internationales, elles opèrent aussi à l’étranger comme Rio Tinto Alcan et ArcelorMittal », explique Colette Fournier, directrice de la formation continue et des affaires internationales au cégep de Jonquière.

Cette collaboration avec les grandes entreprises permet au cégep de faire du placement de stagiaires. « Par exemple, dans notre programme en énergies renouvelables et rendement énergétique - encore un programme propre au cégep de Jonquière - où cette année on va former le premier groupe en centrale-école.  On vient de signer cette entente avec l’entreprise Produits forestiers Résolu pour qu’une session complète se donne dans la centrale », nous dit Colette Fournier. On peut donc dire que le cégep de Jonquière se fait une spécialité des cas de figure exceptionnels.

Présentement, le cégep de Jonquière accueille une trentaine d’étudiants calédoniens. Quelques cégeps au Québec ont été sélectionnés pour offrir de la formation aux ressortissants de Nouvelle-Calédonie. Le cégep de Jonquière a été retenu pour les programmes de chimie analytique, génie chimique, génie industriel, environnement, hygiène et sécurité au travail, toutes des techniques dont la minière Koniambo Nickel (KNS), filiale de la canadienne Xstrata, a grandement besoin pour l’ouverture prochaine de sa mine installée près de Koné, chef-lieu de la province Nord de Nouvelle-Calédonie. « On a reçu un appel de KNS nous demandant si un enseignant capable de donner les cours du programme de procédés chimiques pouvait venir en Nouvelle-Calédonie former un groupe d’une soixantaine d’étudiants », rappelle Mme Fournier: David Leblanc, un enseignant du cégep, est donc en poste en Nouvelle-Calédonie depuis plus d’un an maintenant !

Si le cégep de Jonquière a l’habitude de former des personnes de cette manière et sur une aussi longue période, ça reste assez rare. « C’est l’entreprise qui a déterminé le contenu des cours. On retrouve des cours sur les procédés chimiques et d’autres sur la santé et la sécurité. C’est donc une formation sur mesure qui est offerte », continue Colette Fournier.

Afin de répondre à des appels d’offres internationaux, le cégep de Jonquière s’est associé au cégep Édouard-Montpetit et à celui de Victoriaville ainsi qu’avec le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick afin de former un organisme sans but lucratif. Plusieurs projets sont présentement sur la table tant en Afrique qu’en Amérique latine. « Ce que je comprends, c’est que l’approche par compétences est très recherchée ailleurs dans le monde. Construits avec cette approche, les programmes permettent aux étudiants d’être très rapidement efficaces dans l’entreprise, ils sont capables de s’adapter et de réaliser des tâches bien précises, ils sont très polyvalents et c’est ce qui est apprécié », explique Colette Fournier.

 

Sur le terrain 


David Leblanc est un homme-orchestre. Il peut aussi bien vous entretenir d’archéologie que de géologie et de chimie, puisqu’il possède de nombreuses connaissances dans ces trois domaines et, si vous lui demandez gentiment, il pourra aussi vous pousser la chansonnette puisqu’il est membre de Québec Issime, de Roméo et Juliette et de Décembre. Mais quand on l’a rejoint, il était sur le point de repartir pour une seconde année vers la Nouvelle-Calédonie, où il enseigne les procédés chimiques.

Des chocs culturels, il en avait déjà vécu en travaillant avec les Premières Nations ici au Québec, mais le défi qui l’attendait en Nouvelle-Calédonie était de taille : « Les technologies et la demande occidentale empiètent sur le mode de vie ancestral dans le Pacifique sud. Les jeunes, même s’ils sortent de leurs tribus, ont des cellulaires en poche, vont consulter leur compte Facebook, veulent avoir des voitures et captent à la télé les chaînes américaines qui font miroiter un mode de vie idéal », nous explique David Leblanc. 


Mode de vie


Malgré cette réalité très superficielle, il est très difficile de demander à ces gens d’abandonner un mode de vie qu’on pourrait qualifier de semi-nomade pour devenir opérateurs dans une usine métallurgique ! « Déjà, se présenter aux cours à heure fixe, c’est problématique pour la population en général. C’est pourquoi a lieu une présélection où seront choisis les étudiants ayant un passé scolaire assez bien établi. Ils possèdent tous des diplômes dans des secteurs disparates comme le secrétariat ou l’entretien, mais certains aussi en sciences, ce qui fait que le défi c’est de faire une équipe avec ces gens ! »

Si ces faits semblent venir compliquer la tâche de David Leblanc, il faut bien comprendre que l’entreprise a besoin de travailleurs provenant de différents milieux : « La secrétaire sera plus à même de gérer un conflit de travail et le garçon bien planté pourra conduire de la machinerie lourde. »

Le professeur tente donc d’offrir une base solide en connaissances géologiques, chimiques et scientifiques à tous ses étudiants. Ceux-ci, issus d’un système tribal, ont parfois du mal à bien saisir la dynamique d’une salle de classe. « Ils ont l’habitude qu’un chef masculin ait le droit de regarder une autre personne droit dans les yeux et d’avoir un ton de voix un peu plus élevé alors que les autres, par respect, vont regarder plutôt par terre et répondre des oui ou des non, mais en ayant beaucoup de mal à émettre des idées », raconte David Leblanc.

Pour David Leblanc, cette première expérience à l’international est très formatrice et on est très curieux de voir où on retrouvera l’homme dans 5, 10 ou 15 ans…


 

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